crédit procédure collective

 

La loi du 26 juillet 2005  a instauré l’article L650-1 du Code de Commerce qui limite la responsabilité des prêteurs de deniers en cas de procédure collective de l’emprunteur.

 

Le principe : la non responsabilité des fournisseurs de crédit en cas de procédure collective de l’emprunteur

L’article L650-1 du Code de commerce pose le principe suivant « Lorsqu’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est ouverte, les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis ».

 

  • La rupture avec la solution antérieure

Avant la loi du 26 juillet 2005, la responsabilité de l’établissement de crédit pouvait être retenue pour soutien abusif lorsqu’il avait continué à soutenir artificiellement une entreprise dont il connaissait la situation irrémédiablement compromise ou qu’il lui avait consenti un crédit ruineux. Dès lors, il était rare que les établissements de crédit accordent des concours financiers aux entreprises en difficulté.

Dans le but de favoriser l’octroi de crédits à ces entreprises, et ainsi leurs chances de se redresser économiquement, l’article L650-1 du Code de commerce a été mis en place. Désormais, les fournisseurs de crédit ne sont en principe pas responsables d’avoir fournis un concours financier à une entreprise qui fait l’objet d’une procédure collective.

 

  • Le champ d’application de l’article L650-1 du Code de commerce

Les termes utilisés par l’article L650-1 sont très généraux. En effet, celui-ci évoque les « concours consentis » par les « créanciers ». Se pose la question de la portée de ces termes.

C’est à cette interrogation qu’a répondu la Cour de cassation, dans un arrêt du 16 octobre 2012. Aux termes de cet arrêt, la notion de « créancier » ne se limite pas « aux seuls établissements de crédit ». De plus, le terme de « concours consentis » ne vise pas seulement des crédits, mais également « des délais de paiement accordés par un cocontractant au débiteur ».

 

 

L’exception : la responsabilité du fournisseur de crédit reconnue en cas de fraude, immixtion caractérisée ou garanties disproportionnées aux concours octroyés

L’article L650-1 du Code de commerce limite la responsabilité du fournisseur de crédit aux cas « de fraude, d’immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci ». La Cour de cassation, dans un arrêt du 28 janvier 2014, a déclaré que la responsabilité des fournisseurs de crédit ne peut être mise en cause que dans les cas prévus ci-dessus, et à condition que le crédit litigieux soit fautif.

 

  • La fraude

Il y a fraude au sens de l’article L650-1 du Code de commerce lorsque les concours ont été consentis dans la volonté d’accomplir un acte illicite, de porter préjudice à des droits qui pouvaient être respectés, voire de nuire à l’emprunteur.

L’arrêt de la Cour de Cassation en date du 16 décembre 2014 a indiqué que « la fraude du créancier est caractérisée par l’octroi d’un prêt à une entreprise que la banque sait être dans une situation irrémédiablement compromise, dans l’intention de s’octroyer une garantie et par là-même un remboursement prioritaire en fraude des droits des autres créanciers du débiteur ».

Ce même arrêt a posé le mode de détermination d’une situation irrémédiablement compromise, laquelle « ne s’apprécie pas au regard du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée dès lors que celui-ci n’est pas un indicateur de viabilité, contrairement au taux d’endettement allié à la rentabilité d’exploitation ».

Enfin, l’arrêt de la Cour de cassation du 8 mars 2017 a lui aussi précisé la portée de la notion de « fraude » de l’article L650-1. Il a en effet déclaré que « toute personne agissant dans le but de préserver ses propres intérêts aux dépens d’autrui, ne commet une fraude que si elle accomplit un acte déloyal et obtient le résultat recherché par tromperie, manœuvres, falsifications ou autres actes répréhensibles ».

 

  • L’immixtion caractérisée

L’immixtion caractérisée au sens de l’article L650-1 du Code de commerce vise les cas où le créancier acquiert la qualité de dirigeant de fait de l’emprunteur, en ce qu’il participe à sa gestion et prend seul des décisions importantes le concernant.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 12 juillet 2005, a précisé qu’un dirigeant de fait, pour être qualifié en tant que tel, doit exercer « en toute indépendance une activité positive de direction dans la société ».

En outre, dans un arrêt du 10 janvier 2018,  la Cour de cassation a estimé que celui qui « maintenait le débiteur sous la domination économique de son fournisseur » effectuait une « immixtion fautive ».

 

  • Les garanties disproportionnées aux concours octroyés

L’article L650-1 du Code de commerce s’est ici donné pour objectif de sanctionner le créancier qui subordonne l’octroi de concours financiers à des garanties exorbitantes, alors qu’il connaît la situation financière du débiteur en difficulté, dans le but de s’assurer un remboursement privilégié par rapport aux autres créanciers.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 16 décembre 2014 a déclaré que « la disproportion s’apprécie entre les concours accordés ou susceptibles d’être consentis sans nouvel accord du créancier et la garantie prise en contrepartie ».

 

 

 

La responsabilité de l’établissement de crédit n’ayant pas respecté son devoir de conseil

Par un arrêt en date du 12 juillet 2017, la Cour de cassation a déclaré que «  les dispositions de l’article L650-1 du code de commerce régissent, dans le cas où le débiteur fait l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaires, les conditions dans lesquelles peut être recherchée la responsabilité d’un créancier en vue d’obtenir la réparation des préjudices subis du fait des concours consentis ; [et] ne s’appliquent pas à l’action en responsabilité engagée contre une banque par une caution non avertie qui lui reproche de ne pas l’avoir mise en garde contre les risques de l’endettement né de l’octroi du prêt qu’elle cautionne »

En d’autres termes, l’article L650-1 du Code de commerce ne s’applique pas dans le cadre d’une action en responsabilité diligentée par une caution à l’encontre d’une banque pour manquement à son devoir de conseil et de mise en garde contre les risques liés au prêt consenti au débiteur.