Brexit
Brexit

Conformément à l’article 50 du TFUE, le Royaume Uni a notifié son souhait de se retirer de l’Union Européenne. Après de multiples rebondissements et l’inaboutissement à ce jour d’un accord de séparation, il faut envisager la possibilité que le 12 avril prochain, le Royaume Uni sorte purement et simplement de l’Union. En témoigne le défilé de manifestations qui ont suivi cette annonce, les conséquences économiques du Brexit sont innombrables. Mais qu’en est-il de la question du devenir des contrats commerciaux conclus antérieurement ?

 

Aux risques du Brexit….

Il conviendra pour les entreprises d’anticiper une éventuelle augmentation du coût de réalisation du contrat. Celle ci pourra être expliquée par différents facteurs : délais de livraison allongés, droits de douane restaurés, augmentation du taux de change, risques d’inexécution… En effet, c’est l’économie générale de tout le contrat qui peut se trouver bouleversée par des paramètres que les co-contractant n’auraient pu imaginer au moment de la signature. Renégociation ? Résiliation ? Quelles sont les options qui vont s’offrir au co-contractant lésé par l’intervention du Brexit au cours de la vie du contrat ?

Celui ci disposera d’arguments contractuels s’il a été consciencieux dans la rédaction de son contrat et dans le cas contraire, d’arguments légaux en se référent aux grandes théories du droit.

 

Etape 1 : Repérer les éventuelles clauses existantes au contrat

La première chose à faire est d’étudier (si elles existent), les clauses prévues au contrat en matière de renégociation, de sortie, de Material Adverse change, d’imprévision, de force majeur… Chaque élément permettant de remettre en cause l’existence ou les termes du contrat au regard de la survenance d’un évènement non prévisible à sa signature. Certains contrats conclus après les prémices du Brexit contiennent même une « Brexit clause », statuant sur le devenir du contrat en pareil cas.

 

 

Etape 2 : S’interroger sur l’applicabilité des clauses au Brexit

Il convient ensuite de s’assurer que les clauses éventuellement prévues au contrat sont applicables à la survenance du Brexit.

S’agissant de l’imprévision, des material adverse change et de la force majeure, l’enjeu est de démontrer que la survenance du Brexit est un évènement imprévisible au moment de la conclusion du contrat. Cet argument est facilement démontrable concernant les contrats conclus avant le 23 juin 2016, date de référendum. Toutefois il sera moins facilement recevable dans les contrats postérieurs à la publicité des résultats du référendum annonçant le dénouement très probable du Brexit.

 

 

Etape 3 : A défaut, se référer aux théories générales du droit

Le droit français comme le droit anglais permettent aux contractants alors même qu’aucune clause ne le prévoit, de renégocier ou de résilier le contrat dans certains cas particuliers.

  • L’imprévision française et la frustration anglaise

La théorie de l’imprévision du droit français (article 1195 du Code civil) et son équivalent du droit anglais (théorie de la frustration) ; permettent aux co-contractant de renégocier leur contrat en as de changement de circonstances imprévisible. Il s’agit alors de démontrer qu’un évènement (économique, juridique, politique…) imprévisible survient et rend la continuation du contrat « excessivement onéreuse » pour une partie.

Si les négociations n’aboutissent pas à un accord convenant aux deux parties, le juge pourra à leur demande conjointe procéder à la révision du contrat ou y mettre fin.

De même, si un accord n’est pas trouvé dans un délai raisonnable, le juge sur demande d’une seule des parties peut également réviser ou mettre fin au contrat.

En théorie, l’imprévision prévue par le Code Civil permettrait au co-contractant lésé de forcer la renégociation de son contrat. Cependant compte tenu des jurisprudences antérieures, il convient de ne pas oublier que l’imprévision reste tenue au fort pouvoir d’appréciation souveraine et casuistique du juge, rendant par la même l’issue du recours… imprévisible.

 

  • La force majeure pour les contrats soumis aux droit français

La théorie franco-française de la force majeure (article 1218 du Code Civil) ne trouve quant à elle pas d’équivalent en droit anglais. Elle ne sera donc applicable qu’aux contrats soumis au droit français.

Il conviendra alors pour le co-contractant lésé de prouver qu’un évènement irrésistible, imprévisible et indépendant de sa volonté l’empêche de réaliser ses obligations contractuelles. Cependant, tout comme la théorie de l’imprévision, la qualification d’un cas de force majeur demeure à la discrétion de l’appréciation souveraine du juge.

Il conviendra d’observer dans les mois suivant l’effectivité du Brexit, si les juges interprètent les conséquences du Brexit comme pouvant éteindre les obligations contractuelles au regard de la force majeure et entraînant ainsi une résiliation sans faute du contrat. Rien n’est moins sûr particulièrement si les conséquences du Brexit dont souffrent le contrat sont purement économiques.